Selon l’homme d’histoire Yuval Noah Harari, l’être humain est un animal qui a créé le « storytelling ». Scénarios finaux : l’autodestruction, ou La naissance d’une élite « augmentée » ?
Lorsqu’un jeune historien spécialiste de l’histoire militaire et de la période des croisades commence un projet titanesque, cela aboutit à la rédaction de « Sapiens, une brève histoire de l’humanité » et fait partie des meilleures ventes de l’édition internationale.
Yuval Noah Harari a souhaité écrire une histoire de l’humanité sans se focaliser sur la conception d’une religion, de l’histoire d’un pays, mais dans une perspective vraiment générale. Il parle de l’Homo sapiens, considéré comme un « homme sage » ayant pris le dessus sur toutes les espèces animales qui peuplent la planète terre et particulièrement sur la pluralité d’espèces du genre humain.
Quel en est le résultat ? Un livre plein de savoir et d’enseignement dans lequel l’auteur traite autant de l’histoire que de la biologie ainsi que de la philosophie. Quelle a été la démarche de Sapiens pour parvenir à la conquête du monde ? Les succès de l’homme moderne l’ont-ils rendu plus heureux que ses ancêtres ?
Selon Yuval Noah Harari, l’histoire est un extraordinaire laboratoire de philosophie qui apporte des réponses efficaces et satisfaisantes aux interrogations contemporaines et essentielles.
Présentation de l’auteur
Auteur du best-seller à envergure internationale intitulé « Sapiens : une brève histoire de l’humanité », le professeur Yuval Noah Harari est né à Haïfa, en Israël en 1976. Il est titulaire depuis 2002 d’un doctorat obtenu à l’Université d’Oxford. Actuellement, il est maître de conférences au Département d’Histoire de l’Université hébraïque de Jérusalem.
Spécialiste de l’histoire du monde, de l’histoire médiévale et de l’histoire militaire, ses recherches présentes traitent des questions d’histoire de façon générale. Alors, quel lien y a-t-il entre l’histoire et la biologie ? Qu’est-ce qui différencie fondamentalement l’Homo sapiens des autres animaux ? Peut-on véritablement parler de justice dans l’histoire ? L’Histoire évolue-t-elle dans une direction ? Le bonheur est-il l’apanage des gens au fil du temps qui passe ?
En 2009 et en 2012, le professeur Yuval Noah Harari a gagné le prix « Polonsky pour la Créativité et l’Originalité ». Plus tard en 2011, il a aussi obtenu le « Society for Military
History’s Moncado Award », pour ses écrits exceptionnels portant sur l’histoire militaire. En 2012, il gagnait une place au sein de la jeune Académie israélienne des sciences. Son tout dernier ouvrage est Homo Deus : Une brève histoire de l’avenir.
Résumé du livre
1. En parcourant le premier volet d’une trilogie intéressante, le professeur Yuval Noah Harari nous présente un extraordinaire tableau du futur de l’être humain. Son authenticité et son audace pour remettre dans le débat des événements connus et son agilité pour corréler comparaisons et parallélismes font appel à notre manière habituelle de voir l’histoire traditionnelle.
Ces caractéristiques sont de nos jours capitales dans sa lecture revisitée de notre histoire et rendent aussi compte de son amour profond pour la macro-histoire. Ils nous fournissent des clefs et des instruments pour appréhender les enjeux et voir les risques des importants bouleversements techniques, scientifiques, environnementaux, et même politiques, à la lisière desquels le monde se trouve.
Les deux autres ouvrages qui s’ajoutent à ce premier tome (Homo Deus, une brève histoire du futur, Albin Michel, 2017 et 21 leçons sur le XXIe siècle, Albin Michel, 2018) parlent essentiellement des points soulignés de manière rapide dans Sapiens. Homo Deus traite surtout des problématiques en rapport avec la bionique, biochimie, les algorithmes, la génétique et l’intelligence artificielle. Quant aux 21 leçons, il donne des explications entre autres sur l’écologie, la fin de l’emploi de masse, le changement climatique et la numérisation du travail.
2. Dans son livre Sapiens, Harari nous rappelle la première partie de l’histoire, en l’occurrence celle du changement cognitif connu par l’espèce humaine. Son règne est extrêmement plus réduit pour le moment que celui des autres humains. En effet, l’australopithèque a connu une existence de 2 millions d’années.
L’avènement de Sapiens ne date que de 200 000 ans. Il y a 150 000 ans, malgré qu’il soit déjà correctement installé à l’est de l’Afrique, il n’est alors qu’une espèce animale ordinaire parmi d’autres. Bien qu’il soit intelligent, il n’a pas une grande influence.
Les instruments qu’il emploie ne sont pas suffisants pour le placer à la tête de la chaîne alimentaire. Parmi ses outils, il y a la pierre taillée qui lui permet en grande partie de casser les os d’animaux morts. Il ne peut que consommer les restes d’animaux que les prédateurs et les charognards ont laissés. Il est placé au centre de la chaîne alimentaire parce qu’il n’est pas physiquement fort. Face au Néandertal ayant abandonné l’Afrique depuis de longues années, Sapiens échoue dans sa conquête du Moyen-Orient il y a 100 000 ans. Il se pourrait qu’il y a 70 000 ans sa capacité à emmagasiner des connaissances ait cependant subi une mutation.
Sapiens se serait donc démarqué des autres espèces animales par son aptitude à créer, imaginer et à croire à des histoires. Harari utilise ici le mot fiction au sens scientifique très vaste. Cela dans la mesure où il englobe aussi bien les doctrines, les philosophies, de multiples thèses économiques et même certains concepts tels que la Nation, les droits de l’homme, une société anonyme ou la tribu.
Cette mutation peut avoir eu un impact positif sur sa capacité à coopérer et lui ont permis de devenir l’humain apte à vivre dans des masses plus considérables que les autres homo. Cette progression explique qu’ensuite il sortira vainqueur face à Néandertal et l’Homme de Denisova. La destruction des grands mammifères est la conséquence de l’expansion de Sapiens. À son arrivée dans un endroit de la Terre, les grands mammifères disparaissent.
3. Harari nous fait revivre une seconde période de l’histoire, à savoir l’invention de l’agriculture. Plusieurs communautés humaines éparpillées sur différents continents vont découvrir l’agriculture entre 10 000 et 3 000 avant J.-C. On présente souvent cette évolution comme la base de notre civilisation.
Elle est ici présentée comme un défi perdu, une faute d’appréciation, une marche arrière pour les individus. Sapiens a pensé améliorer sa manière de vivre en labourant le sol et en élevant le bétail. L’excédent de sa production devra servir surtout à donner à manger aux enfants issus de la croissance de la population. La richesse que les agriculteurs ont nouvellement produite permettra de financer l’Etat dont le rôle est de protéger les récoltes et le cheptel par son armée et pour trancher les différends en rapport avec la naissance de la propriété.
Pour faire marcher ses récentes sociétés, il a fallu découvrir la monnaie, le calcul et l’écriture. Bien évidemment, cette organisation aura des répercussions positives pour les hommes. Toutefois, elle fera en sorte que les individus soient plus petits, plus souvent victimes de maladies et s’alimentant moins bien que les fourragers.
Le travail devient également plus rude et ne donne pas les rendements escomptés. L’agriculture transformera par ailleurs les croyances en provoquant le délaissement de l’animisme et l’acceptation des religions théistes. L’homme n’est plus considéré comme un être parmi d’autres au sein de la nature. Il acquiert un statut exceptionnel parmi les êtres vivants, face aux dieux. Il a accès aux animaux et végétaux selon sa volonté et ces deniers lui appartiennent. Par exemple, la fureur divine contre l’homme explique ainsi la fin de toutes les bêtes au moment du Déluge biblique.
4. L’historien évoque ensuite la troisième période, celle de la découverte de l’ignorance. Les Européens ont compris les bornes de leurs certitudes et les bienfaits du doute à partir des grandes découvertes dans le domaine de la géographie et de l’astronomie lors de la Renaissance.
Elles leur ont permis de comprendre qu’il faut avoir confiance en leur raison et leurs agissements et non aux Anciens et aux Écritures. La crainte du futur et du temps comme une décadence inévitable sur laquelle l’humain ne peut exercer aucune influence va s’estomper.
La survenue de l’idée d’évolution aura également des répercussions en économie. La richesse n’est plus vue comme un jeu, mais plutôt comme un élément de croissance. Il en découle que le crédit, élément de financement du développement du capitalisme, devra être dorénavant rentable.
Dans le chapitre portant sur la dette publique, l’auteur soutient le point de vue selon lequel l’État de droit a développé un atout concurrentiel dans le financement des placements. Les capitaux ont été attirés aux Pays-Bas et en Angleterre grâce à l’indépendance de la justice. En revanche, en France et en Espagne, l’arbitraire a détruit la confiance dans le crédit étatique et freiné les investisseurs. Bien que cette explication ne soit pas nouvelle, son application au fait que Louis XV ait perdu le Canada au profit des Anglais est très captivante.
Cette défense de l’État de droit est probablement un avertissement contre le capitalisme autoritaire que suivent certaines dictatures, notamment en Chine. Au moment où on cherche les voies permettant de sortir de l’excès d’endettement public, cet argumentaire qui milite pour le remboursement sans rejet fait bien d’alimenter la discussion.
Bien que l’Europe ait connu un envol économique depuis la Renaissance, il faudra patienter jusqu’au XVIIIe siècle pour voir une supériorité de la richesse générée en Occident sur celle produite en Asie. Dans cette nouvelle façon de représenter le monde, les croyances centrées sur Dieu seront-elles également diffusées par des démarches plus anthropocentrées puis, bien après, par des principes fonctionnant en marge de la divinité tels que le communisme, le libéralisme, le fascisme ou le nationalisme.
Dans l’extension de la Renaissance, l’auteur présente comment l’unification du monde contemporain a pu se produire à travers la modernité née en Europe. Les Empires coloniaux, l’expansion capitaliste, les progrès scientifiques et la substitution des solidarités familiales et régionales par des groupements nationaux et consuméristes vont produire de nouvelles habitudes qui vont se propager sur la planète entière.
5. La fin du livre débouche sur un panorama dystopique des défis de nos jours. Le lecteur n’a aucune obligation de suivre l’auteur quand il se montre confiant sur l’aptitude des humains à créer de nouvelles ressources ou des éléments de croissance nouveaux, tels que la transition énergétique, afin de favoriser la croissance indéfinie de l’économie malgré le caractère fini inévitable des ressources naturelles du monde.
La présentation que l’auteur fait du monde actuel dans lequel le travail est robotisé et numérisé, et l’apanage d’une riche élite et où la majeure partie des hommes vit dans la misère sont par contre de nature à terrifier le lecteur bien qu’elle soit réaliste. Harari définit avec plus de sérieux ce qu’il entend par le transhumain. En fait, l’évolution actuelle de la science crée, selon lui, un homme nouveau, voire un nouvel ordre politique.
L’apport du livre dans la vie de tous les jours
Sapiens, une brève histoire de l’humanité est un ouvrage riche d’enseignements et de savoirs dans la mesure où il retrace avec beaucoup de précisions l’histoire de l’humanité tout en apportant des réflexions. Il combine savamment science et philosophie.
À travers ce livre, le lecteur peut comprendre beaucoup de choses sur le parcours de l’homme d’aujourd’hui durant les milliards d’années qui l’ont précédé. Par ailleurs, il permet de comprendre les bouleversements que connaît le monde actuel et lui donne les outils nécessaires à l’anticipation de son devenir.
Enfin, Sapiens permet de comprendre que la coopération internationale est l’un des socles de la résolution des difficultés et défis auxquels la planète fait face depuis de très nombreuses années. La solidarité internationale doit être renforcée afin de faire face aux problèmes actuels et à ceux à venir.
Conclusion
Sapiens, une brève histoire de l’humanité nous parle des 7 précédents millions d’années de l’histoire de l’humanité. Ces millions d’années qui ont vu se déployer une espèce écrasante, dominante, dominatrice, étouffante : homo sapiens, l’homme doué de savoirs et connaissances.
Yuval Noah Harari propose aux lecteurs un livre à mi-chemin entre l’essai philosophique et le traité historique. Homo sapiens, tel que présenté dans le mythe de Prométhée fut au départ un animal insignifiant, sans traits physiques particuliers pouvant lui permettre de tenir sur une planète hostile.
N’ayant pas de bonnes qualités pour la course, ne possédant pas de griffes, son avenir le disposait à la disparition. Pourtant, il est actuellement partout sur la Terre, son influence sur son milieu est cataclysmique et, au même titre que les dieux, il sait donner naissance à de nouvelles formes de vie.